Vous est-il déjà arrivé d’exprimer une opinion négative à propos d'une entreprise sur les réseaux sociaux ? De vouloir informer votre entourage ou le public d’une situation que vous considérez injuste ou d'une pratique que vous jugez inacceptable ?
Prenez garde : il pourrait très bien s’agir de diffamation.
Définitions et mythes
Est diffamatoire un propos qui porte atteinte à la réputation d’une autre personne. On entend par là des propos qui la rabaisse, la ridiculise ou provoque la haine à son égard. Il faut se demander « si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation »[1].
Un mythe répandu concernant la diffamation est que si les propos tenus sont vrais, alors ils ne peuvent pas être diffamatoires. Bien qu’il s’agisse de l’état du droit aux États-Unis, ce n’est pas le cas au Québec. Que les propos tenus soient vrais ou non, ils peuvent être considérés comme étant diffamatoires.
Plus les propos diffamatoires sont rendus publics et sont partagés sur les réseaux sociaux, plus ils causent des dommages à la victime, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une entreprise. Ainsi, plus les propos diffamatoires sont vus, plus les tribunaux sanctionnent sévèrement la personne fautive.
Les types de conduites
La diffamation peut résulter de deux types de conduites[2] :
· La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe;
· La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie.
Ainsi, même s’il n’était pas de l’intention du défendeur de nuire à la victime, il peut tout de même être fautif.
Le commentaire loyal et honnête peut être exonéré en matière d’éditorial ou de critique, lorsqu’il s’agit d’un sujet d’intérêt public[3].
La décision Hôtel Clarendon inc. c. Lessard[4] constitue un exemple parfait de diffamation sur les réseaux sociaux. Dans cette affaire, le conjoint d'une serveuse, récemment congédiée par l'hôtel où elle était employée, a pris l'initiative de répondre à une annonce d'emploi que l’hôtel avait publiée dans un groupe Facebook regroupant des restaurateurs de la région de Québec. Le conjoint a publié les propos suivants :
« Un restaurant qui a perdu ses lettres de noblesse..une cuisine approximative et d''après ce qu[e] plusieurs disent dans le milieu, un employeur peu scrupuleux..
des oui dire…c’est sûrement pour cette raison que votre patron se retrouve avec des griefs et soit condamné à verser des compensations à d’anciens employés... » [sic]
Dans ce dossier, le tribunal a jugé que ces propos étaient diffamatoires et a condamné le défendeur à payer à l'hôtel 2 000 $ à titre de dommages-intérêts et 1 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.
Il y a donc lieu de réfléchir soigneusement avant de s’exprimer sur les réseaux sociaux et Internet.
Si vous estimez que vous ou votre entreprise êtes victime de propos diffamatoires ou bien une personne vous reproche d'avoir tenu à son égard un discours diffamatoire, n’hésitez pas à consulter nos avocats qui réagiront sans tarder afin de s’assurer de protéger vos intérêts adéquatement.
[1] Prud’homme c. Prud’homme, 2002 CSC 85, par. 15.
[2] J.-L. BAUDOUIN, P. DESLAURIERS et B. MOORE, La responsabilité civile, 9e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2020, p. 319 et 320.
[3] Id., p. 322.
[4] Hôtel Clarendon inc. c. Lessard, 2021 QCCS 7581.
** Cet article a été rédigé en collaboration avec Mme Aurélie Richer, technicienne juridique et étudiante en droit.
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